Un plan d'urbanisme, c'est un peu comme un code civil qui régit la vie d'une communauté. En harmonisant les règlements d'urbanisme des villes fusionnées pour former le grand Québec, règlement (R.V.Q. 1400) qui est soumis à la consultation publique en ce moment, la Ville est en train de manquer une occasion unique de resserrer les règles pour créer «un développement durable et moderne», estime M. Bousquet, professeur de foresterie à l'Université Laval. Plusieurs citoyens présents aux séances abondaient dans le même sens.
«La densification, oui, j'en suis, mais ce doit être fait de façon intelligente. On ne doit pas permettre des choses qu'on ne permet même pas dans les autres villes canadiennes. Le plan d'harmonisation est très libéral pour les promoteurs. Il y a un changement fondamental.» M. Bousquet estime, sans le nommer, que ce changement est lié à l'administration du maire Régis Labeaume.
La question de la protection du patrimoine forestier ne retient pas autant l'attention que l'affichage, la hauteur des édifices ou le développement économique, elle n'en est pas moins fondamentale. Un terrain boisé fait augmenter la valeur foncière de 10 % à 15 %. «Nous avons évalué à près de 1,5 milliard $ la valeur des arbres à Québec.» C'est l'équivalent de la valeur foncière totale de Saint-Augustin-de-Desmaures.
Or, Québec n'a toujours pas de politique de l'arbre comme à Montréal. «Les élus manquent de repères.» Pourtant, pas besoin de chercher bien loin. «Cap-Rouge est un exemple type d'aménagement où on a gardé le paysage forestier.»
Malgré tout, les arrondissements ont encore la possibilité d'autoriser l'abattage d'arbres en cours arrière et latérales sans permis, à l'opposé de toutes les représentations faites depuis 2007 par les citoyens et même par des élus municipaux. «La moitié des arbres ne sont pas protégés.» Seuls les arrondissements de La Cité, de Limoilou et Laurentien exigent un permis. Par contre, tous les arrondissements en exigent un pour couper un arbre situé à l'avant d'une résidence.
La Ville n'a pas retenu non plus la suggestion de sa propre commission d'imposer une obligation de remplacement d'arbres abattus illégalement «par la plantation d'arbres relativement équivalents en nombre et en qualité à tout contrevenant».
Déserts urbains
Autre exemple : l'introduction de l'article 322 qui oblige les promoteurs, lorsqu'il y a un boisé d'intérêt, à construire sur des terrains plus grands et à maintenir une lisière boisée. Les arrondissements peuvent s'y soustraire. «La présente formule constitue un laissez-passer pour des lotissements trop denses et la coupe à blanc des derniers boisés de la Ville, comme on le voit dans plusieurs secteurs. De tels développements engendrent de véritables déserts urbains et d'importants effets d'îlots de chaleur, à l'encontre des valeurs fondamentales défendues par la Ville au plan de la qualité environnementale des quartiers et de leur qualité de vie.»
Des groupes de citoyens comme Arbres Charlesbourg militent pour le renforcement de cette mesure. «J'espère que (cet) article sera appliqué dans tous les boisés urbains et non seulement de façon conditionnelle», souligne Johanne Lavallée.
Sinon, les jeunes familles à la recherche d'un peu de verdure vont continuer à s'installer en périphérie de Québec, estime Jean Bousquet, qui a déposé un mémoire à la Ville sur la question. Il n'y a pas juste Montcalm et le Vieux-
Québec qui doivent être beaux grâce à leurs aménagements paysagers, souligne-t-il. La Ville devrait reboiser les nombreux terrains disponibles sur son territoire pour les rendre plus attrayants à développer, avance-t-il.
L'ensemble n'est pas mauvais, mais Québec pourrait faire mieux, croit l'universitaire. Car à trop décentraliser, on rend les arrondissements plus vulnérables aux pressions des promoteurs et on risque ainsi que se prennent «des décisions arbitraires à la pièce», sans vision d'ensemble. «On se tire dans le pied.»
De bonnes mesures, estime la Ville
Dans un monde idéal, Québec achèterait tous les boisés urbains qui restent sur son territoire. Mais c'est financièrement irréaliste. De plus, «une ville doit être habitée», rappelle Jacques Grantham, directeur au Service de l'environnement. Dans les circonstances, les nouvelles propositions du règlement d'urbanisme servent à la protection des boisés et empêchent l'étalement urbain, croit-il.
M. Grantham estime qu'il faut utiliser l'article 322 avec discernement. Cet article impose aux promoteurs que le terrain soit d'une dimension minimale de 600 mètres carrés (en comparaison à 400 m2 à 500 m2), d'une profondeur de 40 m et qu'il comprenne une lisière boisée d'au moins 150 m.
«Ça prend un intérêt forestier pour qu'il soit appliqué. On ne se battra pas pour un boisé de jeunes peupliers. Mais ça nous permet de le faire où ça vaut vraiment la peine», soutient le directeur de la division de la foresterie urbaine.
Si l'article est utilisé à toutes les sauces, on diminue la densité d'habitations dans la ville, ce qui fait augmenter la valeur des propriétés. Le prix des terrains sera inabordable (environ 125 000 $) pour de jeunes familles, ce qui favorisera l'étalement urbain au nord ou à l'ouest. Et là, les gens s'établiront en pleine forêt, signale M. Grantham.
Il croit que les arrondissements sauront utiliser les dispositions de l'article pour protéger leurs écosystèmes d'intérêt, qui contiennent des arbres centenaires ou particuliers. «Contrairement à avant, ils vont avoir l'article réglementaire pour le faire.» Québec n'a peut-être pas de politique de l'arbre, mais elle dispose tout de même du Plan directeur des milieux naturels et de la forêt urbaine pour guider fonctionnaires et élus.
À l'impossible, nul n'est tenu. Ces dernières années, Québec a choisi d'acquérir certains boisés : au mont Bélair, à la montagne des Roches et le long de la rivière Saint-Charles. Elle devra aussi le faire pour le sentier prévu dans la falaise de Sillery. «Mais tout le monde voudrait qu'on achète en arrière de chez eux.»
À l'inverse, il est de renommée publique que certains citoyens ne s'embarrassent pas des règlements municipaux pour couper des arbres, sous un prétexte ou un autre.
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